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théâtre au 17e siécle,
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Tartuffe |
<< Voici une comédie dont on a fait beaucoup de bruit, qui a été, longtemps persécutée ; et les gens qu'elle joue ont bien fait voir qu'ils étaient plus puissants en France.
Les Marquis, les Précieuses, les Cocus et les Médecins ont souffert doucement qu'on les ait représentés, et ils ont fait semblant de se divertir, avec tout le monde, des peintures que l'on a faites d'eux ; mais les Hypocrites n'ont point entendu raillerie ; ils se sont effarouchés d'abord, et ont trouvé étrange que j'eusse la hardiesse de jouer leurs grimaces et de vouloir décrier un métier dont tant d'honnêtes gens se mêlent.
Ils ont couvert leurs intérêts de la cause de Dieu ; et le Tartuffe, dans leur bouche, est une pièce qui offense la piété. Elle est, d'un bout à l'autre, pleine d'abominations, et l'on n'y trouve rien qui ne mérite le feu. Toutes les syllabes en sont impies ; les gestes mêmes y sont criminels, et le moindre coup d'œil, le moindre branlement de tête le moindre pas à droite ou à gauche, y cache des mystères trouvant moyen d'expliquer à mon désavantage. J'ai dû soumettre aux lumières de mes amis et à la censure de tout le monde : les corrections que j'ai pu faire, le jugement du Roi et de la Reine, qui l'ont vue, l'approbation des grands Princes et de Messieurs les Ministres, qui l'ont honorée publiquement de leur présence.
Si l'on prend la peine d'examiner de bonne foi ma comédie, on verra sans doute que mes intentions y sont partout innocentes, et que je ne tend nullemennt à jouer les choses que l'on doit révérer ; que je l'ai traitée avec toutes les précautions que demandait la délicatesse de la matière, et que j'ai mis tout l'art et tous les soins qu'il m'a été possible pour bien distinguer le personnage de l'Hypocrite d'avec celui du vrai Dévot. J'ai employé pour cela deux ailes entiers, à préparer la venue de mon scélérat. >>
Molière
Molière (biographie) |
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Molière : Jean-Baptiste Poquelin fut acteur, dramaturge, metteur en scène, directeur de troupe, tout à la fois. De plus, il tient sa place dans le panthéon des plus grands écrivains français, non seulement à cause de la façon dont il maniait ses vers, mais parce qu’il fait rire. C’est avant tout un auteur comique, et son œuvre emprunte toute méthode concevable pour exulter ses spectateurs. Sa vie, d’ailleurs, fut une série de tourbillons. Sans cesse atteint de maladies, Molière connut de grands succès aussi bien que l’échec total. Il était à la fois adoré par ses amis et détesté par un grand nombre d’ennemis. D’une part on le comblait de louanges, de l’autre on l’accablait de calomnies. |